
Le puceron : un maçon kamikaze
Se sacrifier pour sauver le groupe : une mission que les jeunes pucerons de l’espèce asiatique Nipponaphis monzeni prennent très au sérieux. Ils sont prêts à donner leur vie rien que pour sauver la « maison » de leur colonie.
Une colonie de ces pucerons asiatiques compte des centaines, voire des milliers de membres. Ils habitent tous ensemble dans une boule rigide et hermétique de leur fabrication — baptisée « galle » — qui se forme sur un arbre. Si leur habitat est attaqué, par exemple par une chenille qui y perce un trou, la colonie envoie immédiatement ses « soldats » : les nymphes de pucerons. Certaines attaquent l’intrus, tandis que d’autres réparent l’enceinte.
Croûte
Pour colmater les trous dans l’habitat de sa colonie, la nymphe y injecte un genre de mastic gluant. Il s’agit d’une combinaison de substances grasses et de l’enzyme phénoloxydase. Dans l’organisme du puceron, ces substances sont inactives. Mais leur contact avec le « sang » (hémolymphe) du puceron provoque une réaction entraînant la coagulation des graisses et la formation de mélanine. La substance devient ainsi plus foncée et plus dure. Elle forme une sorte de croûte qui colmate l’abri.
Kamikaze
Ce faisant, le puceron se transforme en véritable « maçon kamikaze », car il se sacrifie généralement pour le bien de ces réparations. Certains se retrouvent englués dans le mastic qui durcit, mais la plupart investissent une telle quantité de fluide dans l’opération qu’ils perdent près de deux tiers de leur taille initiale. Ils sont alors si affaiblis qu’ils meurent rapidement.
De petites bombes
Les membres d’une autre espèce, le puceron cendré du chou, sacrifient aussi quelques vies pour préserver la colonie. Ces pucerons extraient de certaines plantes un produit chimique qui les transforme en petites bombes ambulantes. En cas d’attaque de prédateur, ils libèrent un venin aux relents de moutarde dans une explosion fatale. Conclusion : les pucerons sont minuscules, mais sacrément courageux.